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Critères de sélection

Jeanne Aziosmanoff

Analyse : Dès les premières secondes du film, le train apparait comme une bête en mouvement qui n’attend pas. C’est une aventure qu’il faut savoir attraper à temps. La plate-forme sur laquelle saute le premier des trois frères sera un élément récurent du film. C’est grâce à cette plateforme, à cette possibilité d’entrer librement au prix d’une course effrénée, que les personnages pourront continuer leur quête. Le train est un outil de narration qui permet de symboliser les étapes dans l’évolution des frères, que ce soit dans leur développement individuel ou dans leurs liens fraternels. Le moment le plus emblématique de ce symbolisme est le passage où le train est « perdu » à la 33ème minute. Malgré son chemin linéaire le train semble s’être égaré, cet arrêt forcé permet aux frères de faire un point sur l’évolution de ce voyage et de communiquer sincèrement pour la première fois. Le frère ainé peut ainsi dévoiler le projet de ce voyage : retrouver leur mère. Le train a une part centrale dans la communication entre les trois frères que ce soit par son absence, lorsqu’ils sont expulsés du train après y avoir fait entrer un serpent et s’être battu, ou lorsqu’ils y restent plusieurs heures et plusieurs jours d’affilés.

 

Le train est également un des lieux de rencontre avec l’Inde et avec l’altérité. La découverte du train se fait par l’arrière, le personnage remonte l’intégralité du train pour retrouver ses frères, ce qui permet au spectateur de découvrir les trois classes et le wagon bar. Chaque espace a des codes sociaux et des décors différents. Ils se différencient par la taille des lieux de vie des passagers et par leur confort. Dans la troisième classe les couleurs du wagon sont ternes, il n’y a pas de division des espaces, tous les passagers sont réunis ensemble, il n’y a pas de banquette ou de lit, ils sont assis sur leurs bagages. Dans la seconde classe les lits sont en plastique, sans linge de lit, ils sont nombreux et réduisent l’espace de vie, les bagages sont posés dans les lits. La couleur omniprésente est le bleu, il est passé et sale, c’est un bleu sombre. On retrouve ce bleu dans la première classe qui est cette fois-ci plus clair et accompagné de motifs géométriques et d’éléphants, il y a aussi des panneaux de bois. Ici les espaces sont découpés par des compartiments, les banquettes sont face à face autour d’une table et elles se transforment en lit. Les personnages sont donc immergés dans une autre culture, ils évoluent selon ses codes et vivent au rythme de ses activités.

Analyse : Le train est le lieu central du film, le voyage des personnages s’étend sur plusieurs jours ce qui créé une proximité entre les personnages qui partagent tous la même classe. La montée dans le train se fait paisiblement et Hercule Poirot remonte l’intégralité du wagon première classe pour accéder à sa chambre. Cela permet au spectateur de découvrir les personnages qui vont composer l’intrigue du film et l’ensemble du wagon avec les différents espaces : la cuisine, le wagon bar, les compartiments. Ce plan est filmé depuis l’extérieur en plan séquence, on voit la scène grâce aux grandes fenêtres, le train est décoré de grands panneaux de bois élégants et sobre. Le wagon bar est luxueux, très lumineux, décoré de fleurs et de panneaux en verres très travaillés. La brève vue de la cuisine nous permet de constater qu’elle est équipé comme une cuisine de restaurant. Cet ensemble répond davantage aux codes d’hôtel de luxe qu’aux codes des trains couchettes classiques. La camera ne filme jamais les autres classes. A aucun moment les personnages ne regardent par la fenêtre pour observer le paysage. Les personnages évoluent dans cette ambiance feutrée et ne seront jamais en lien avec l’extérieur, hormis lorsque le train déraille. Ils sont dans une bulle de confort occidental, centrés sur leurs propres préoccupations. C’est cette intériorité qui va se révéler dangereuse après la mort de Monsieur Ratchett. Le train perd sont aspect réconfortant face au froid extérieur et aux falaises, il est désormais un lieu de danger. Le manque d’intimité et la proximité constante en fait un piège où sont enfermés les personnages. Les interrogatoires de Hercule Poirot se font dans un compartiment mais lorsqu’il interroge la personne qu’il suspecte être l’auteur du crime, Madame Debenham, il fait les deux entretiens à l’extérieur pour être sûr de ne pas être écouté. L’extérieur est un lieu où la parole est libre contrairement à l’intérieur où, même dans le lieu clos, tout est partagé avec la communauté. La résolution du crime se fait en effet à l’extérieur, ce qui met l’emphase sur le fait que cet espace est le seul lieu de liberté de la parole.

 

Le train fait l’objet de nombreux plans spectaculaires, il est filmé sous tous les angles. On retrouve des vues de l’extérieur qui donnent à voir l’intérieur et des vues qui mettent en scène le fantasme du voyage en train avec la représentation de la locomotive accompagnée du sifflement, avec la scène où les ouvriers ajoutent du charbon à l’aide d’une pelle ou encore avec des images des roues qui démarrent et qui prennent de la vitesse. Ces plans apportent une vision technique du train, même si certains éléments ne sont pas présents, comme la vision du conducteur du train dans la locomotive, on retrouve une volonté de présenter le lieu de l’action de façon exhaustive.

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